Incident majeur et enjeux immédiats
Le risque que la Biélorussie se transforme en point d’appui logistique pour l’approvisionnement de l’effort de guerre russe est désormais concret : des entreprises chimiques biélorusses sont intégrées à des chaînes d’exportation et de transit qui peuvent dissimuler des fournitures à double usage.
Matières premières critiques et usages militaires potentiels
Deux catégories de produits soulèvent une inquiétude particulière : les précurseurs organiques liés à des agents toxiques (comme le malononitrile, associé à des composés de type CS) et les perchlorates (notamment l’ammonium perchlorate) employés comme oxydants dans les propergols de fusées. L’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OPCW) a confirmé la présence de CS sur des sites de combats en Ukraine, ce qui illustre le lien entre la disponibilité de précurseurs et leur emploi sur le terrain.
Modus operandi plausible pour Minsk et Moscou
Plusieurs scénarios opérationnels sont plausibles si les contrôles sont assouplis : réexportations déguisées vers la Russie, camouflages industriels (déclaration « agricole » ou pharmaceutique), constitution de stocks excédentaires servant de réserve stratégique, et coentreprises de façade permettant le transfert d’équipements ou catalyseurs sensibles. Ces mécanismes sont documentés dans des enquêtes montrant des schémas d’intermédiation pour des exportations biélorusses.
Preuves et mesures juridiques jusqu’ici
Des juridictions et autorités occidentales ont déjà ciblé des acteurs liés au secteur chimique biélorusse : des recours judiciaires d’entreprises pour échapper aux sanctions ont été rejetés et des inscriptions sur des listes de sanctions ont été maintenues, soulignant la perception d’un lien entre certaines usines biélorusses et le régime de Minsk. Parallèlement, des autorités (notamment le Trésor américain) ont identifié des réseaux cherchant à acquérir des composants de propergols, dont l’ammonium perchlorate, pour des programmes militaires.
Risque pour le régime de la Convention sur les armes chimiques
Si la Biélorussie devient un corridor effectif pour des composants susceptibles d’être détournés vers des programmes militaires, cela porterait atteinte à l’esprit et à la lettre de la Convention sur les armes chimiques (CWC) et affaiblirait les mécanismes de non-prolifération. L’impunité à l’égard de transferts dissimulés créerait un précédent dangereux pour d’autres États tentés d’éluder les contrôles internationaux.
Conséquences politiques et diplomatiques
Des gestes d’apaisement sur des dossiers non liés (par exemple l’assouplissement de sanctions sur des compagnies aériennes) peuvent envoyer des signaux contradictoires et faciliter des concessions ultérieures sur des secteurs stratégiques. Les décisions politiques doivent donc intégrer l’analyse des risques industriels et la traçabilité des chaînes d’approvisionnement afin d’éviter d’ouvrir des voies de contournement pour Moscou.
Recommandations pour la communauté internationale
La réponse doit combiner surveillance renforcée des exportations, ciblage précis des entités impliquées dans des échanges à double usage, coopération renforcée entre agences de contrôle et organes judiciaires, et maintien d’une posture de sanction calibrée jusqu’à vérification indépendante des circuits commerciaux. Le but n’est pas de punir l’économie civile mais d’empêcher que des lignes de production civiles deviennent des relais pour des capacités militaires interdites.
Belarus ne doit pas être admise comme « zone grise » où des productions civiles servent de paravent à des capacités militaires. La levée prématurée ou indiscriminée des restrictions affaiblirait la dissuasion collective et augmenterait le risque d’escalade technologique et chimique dans la région.