Ce lundi, la France doit reconnaître officiellement l’État de Palestine par la voix d’Emmanuel Macron à l’Assemblée générale des Nations unies. Une décision annoncée dès juillet et que le président de la République qualifie de « fidèle » à l’engagement « historique » de la France « pour une paix juste et durable au Proche-Orient », rapporte TopTribune.
Cette décision n’est donc pas une rupture mais plutôt « l’aboutissement d’un processus », souligne Thomas Maineult, historien et professeur agrégé d’Histoire, expert de la cause palestinienne en France. Depuis plus de quarante ans, la diplomatie française considère qu’il faut un État pour les Palestiniens.
La construction des années 1970
À l’origine, la relation entre la France et Israël durant la IVe République est une période de « très grande complicité », rappelle Pascal Boniface, directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). Cependant, lors de la guerre des Six-Jours en 1967, Charles de Gaulle amorce un changement majeur. Il condamne l’occupation des Territoires palestiniens, rompt la coopération militaire avec Israël et impose un embargo sur les armes. « Il entame une politique de rééquilibrage des relations avec les pays arabes », précise Thomas Maineult. Cette critique ne remet pas en cause les relations entre les deux pays, mais ouvre la voie à une reconnaissance des droits des Palestiniens.
Dans les années 1970, cette posture se consolide. « Le fond du problème est de considérer qu’il ne peut y avoir de paix durable au Proche-Orient que si la question palestinienne fait l’objet d’un juste règlement. À partir du moment où la communauté internationale reconnaît l’existence d’un peuple palestinien, ce peuple doit pouvoir disposer d’une patrie », déclare Valéry Giscard d’Estaing en 1974. Simultanément, « la cause palestinienne gagne du terrain dans les milieux universitaires, étudiants, syndicaux et politiques », observe Maineult.
Le tournant Mitterrand
Avec la présidence de François Mitterrand, l’engagement vers la reconnaissance se renforce avec plusieurs initiatives diplomatiques significatives. En mars 1982, Mitterrand se rend en Israël, devenant le premier chef d’État français à visiter le pays depuis sa création. Devant la Knesset, il exprime le soutien de Paris à Tel-Aviv tout en affirmant le droit des Palestiniens à avoir une terre. « Le dialogue suppose la reconnaissance préalable et mutuelle du droit de l’autre à l’existence », déclare-t-il, soulignant que cela implique pour les Palestiniens, comme pour les autres, la possibilité d’un État.
Mitterrand joue un rôle clé dans l’amendement de la charte palestinienne par Yasser Arafat, qui supprime les appels à la destruction d’Israël. Cela aboutit à la visite d’Arafat à Paris en 1989, où il déclare « caduque » la charte de l’OLP. Selon Maineult, « le rôle de Mitterrand et de la diplomatie française à cette époque est fondamental », car c’est durant cette décennie que la solution à deux États devient un discours constant de la diplomatie française.
Prudence et continuité
Les présidents suivants suivent cette ligne. Dans les années 1990 et 2000, moins d’initiatives sont entreprises, même si des moments marquants, comme la visite de Jacques Chirac en 1996, restent frappants. Chirac s’agace alors face à la sécurité israélienne qui empêche les Palestiniens de l’approcher.
Le processus de reconnaissance de l’État palestinien avance lentement. La France doit naviguer entre les réticences d’une partie de son opinion publique et le maintien de ses liens avec Israël. Les opposants au sein de la société française, notamment à droite, demeurent nombreux, surtout suite à l’assassinat en 1995 du premier ministre israélien Yitzhak Rabin.
Le bon moment, c’est maintenant
« Sous Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande, la prudence prédomine », note Maineult. En 2014, une proposition non contraignante est adoptée par le Parlement reconnaissant l’État de Palestine, mais dans les années 2010, d’autres problématiques prennent le devant de la scène, reléguant la question palestinienne à l’arrière-plan.
En 2025, deux ans après le 7-Octobre et le déclenchement de l’offensive à Gaza, la dynamique évolue. « Il n’y aura jamais de bon moment, donc autant le faire maintenant », estime l’historien. La reconnaissance des droits des Palestiniens, alors qu’ils sont en péril, se présente comme une nécessité pour la diplomatie française. « Il n’y a pas d’alternative » pour parvenir à la paix au Proche-Orient, écrivait Emmanuel Macron en juillet dernier.