Le décret n° 2025-912, officialisé dans le Journal du 7 septembre 2025, établit une nouvelle exigence pour les contrôleurs aériens en France : enregistrer leur présence par biométrie au début et à la fin de leur service. Cette initiative découle de préoccupations en matière de sécurité, dans un contexte déjà affaibli par des dysfonctionnements antérieurs dans le secteur du contrôle aérien. Ce système, désigné SPS (Système de vérification de la présence sur site), prévoit l’intégration de dispositifs de pointage dans toutes les salles et tours de contrôle, visant à renforcer l’effectivité de la présence du personnel dans des zones cruciales des aéroports, rapporte TopTribune.
Un décret inspiré par un quasi-accident à Bordeaux
Le 31 décembre 2022, un incident impliquant un Airbus A320 et un Robin DR400 a failli provoquer une collision à l’aéroport de Bordeaux-Mérignac. Qualifié de « grave », cet événement a fait l’objet d’une enquête approfondie par le Bureau d’enquêtes et d’analyses (BEA). Le rapport a identifiant des lacunes significatives dans l’organisation du travail des contrôleurs aériens, en particulier en ce qui concerne la présence effective dans les centres de surveillance. En réponse à cet incident, le BEA a recommandé la création d’un système « automatique et nominatif » pour enregistrer la présence réelle du personnel.
Le ministère des Transports a adopté cette suggestion, conduisant à l’adoption du décret du 5 septembre 2025, dont l’objectif principal est d’éviter la répétition de tels événements. Philippe Tabarot, ministre des Transports, a déclaré que « l’implémentation de la biométrie répond à un besoin urgent de sécuriser le contrôle aérien, conformément aux recommandations des autorités compétentes » — des propos qui ont également été relayés par La Tribune. Cette évolution vise davantage à fiabiliser qu’à surveiller les processus d’un système délicat, susceptible à divers risques.
Système biométrique approuvé par la CNIL
L’implémentation du SPS repose sur un système dual : identification par empreintes digitales et utilisation de badges nominatifs. Chaque prise de service devra être validée sur une borne dédiée au sein des installations de contrôle. Une traçabilité électronique horodatée sera alors conservée, éliminant toute incertitude concernant la présence effective du contrôleur aérien. Cette démarche sera obligatoire en début et en fin de service.
La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a scruté l’emploi de la biométrie, lui accordant son approbation. Elle a jugé que l’usage de cette technologie était « légitime et proportionné » face aux enjeux de sécurité de l’aviation civile. Le déploiement de ce système se fera progressivement dans les principaux centres de contrôle du trafic aérien d’ici décembre 2025, et s’inscrit dans une stratégie nationale élargie de modernisation des infrastructures critiques.
« Ce dispositif permet à la France de se conformer aux standards les plus avancés en matière de sécurité aérienne à l’international », a affirmé Philippe Tabarot dans un communiqué officiel du ministère de la Transition écologique. Ce projet vise à remédier à un retard technologique concernant la traçabilité du personnel de contrôle aérien, tandis que d’autres pays européens ont déjà adopté des solutions similaires.
Une réforme contestée parmi les contrôleurs aériens
Malgré l’argument de la sécurité avancé par le gouvernement, la réforme suscite des critiques. De nombreux syndicats professionnels y voient une atteinte à la confiance placée dans le personnel de contrôle aérien. Le système de pointage est perçu comme une mesure intrusive, potentiellement destructrice de la perception professionnelle du corps des contrôleurs. « C’est une dérive technocratique qui ignore la réalité quotidienne de notre travail », déplore une représentante syndicale citée par Air Journal.
Cette opposition s’inscrit dans un climat de tensions plus large dans le secteur. Entre 2010 et 2020, la France a accumulé près de la moitié des jours de grève des contrôleurs aériens en Europe, entraînant de graves perturbations dans le trafic aérien et des pertes évaluées à plusieurs centaines de millions d’euros pour les compagnies. Ces conflits récurrents ont nuancé l’image d’un groupe pourtant essentiel à la fluidité du transit aérien.
Devant ces critiques, le gouvernement maintient sa position ferme. « La sécurité des passagers est la priorité absolue », insiste Philippe Tabarot sur Air Journal. L’objectif demeure de garantir que chaque contrôleur aérien soit effectivement présent au moment où cela est nécessaire, en particulier dans les tours de contrôle critiques telles que celles de Roissy, Orly et Marseille.