La rosacée, maladie dermatologique touchant 1 personne sur 20, affecte surtout les femmes. Le traitement de cette condition est souvent basé sur des méthodes empiriques. Cependant, depuis une décennie, la dermatologie s’efforce de mieux comprendre et traiter cette pathologie complexe, rapporte TopTribune.
La rosacée est souvent sous-diagnostiquée. « On estime que 5 % de la population en souffre, mais la proportion de ceux qui sont traités ou qui savent qu’ils ont cette maladie est bien plus faible », déclare Daniel Barolet, dermatologue à l’Université McGill.
D’après la Société nationale de la rosacée des États-Unis, seulement 18 % des Américains souffrant de cette condition reçoivent un traitement. Bien que les femmes soient plus touchées, il n’est pas évident que cela soit dû à une plus grande propension à consulter pour des problèmes dermatologiques. De plus, les personnes ayant une peau plus foncée semblent être moins susceptibles de développer la rosacée, pour des raisons encore mal comprises.
Récemment, plusieurs nouvelles crèmes et pilules pour contrôler la rosacée ont été introduites sur le marché. Parallèlement, des inhibiteurs de l’inflammation et des anticorps monoclonaux, actuellement à l’étude, pourraient réduire l’intensité des poussées, notamment celles qui provoquent des boutons autour du nez pendant plusieurs jours. « L’objectif est de bloquer la chaîne inflammatoire, à l’image de ce qui se fait pour le psoriasis », précise le Dr Barolet. Toutefois, il rappelle que ces traitements ne permettront pas de guérir la rosacée, dont l’origine reste inconnue.
Belinda, une patiente de 35 ans du Dr Barolet qui préfère rester anonyme en raison des répercussions sociales de la rosacée, souffre de cette maladie depuis son adolescence. Elle déclare : « Dans ma famille, toutes les femmes en souffrent. Quand j’ai déménagé de Paris à Montréal, le froid a aggravé mes symptômes. Ensuite, j’ai eu deux grossesses qui ont encore empiré la situation. »
Depuis le printemps, elle a subi trois traitements au laser destinés à éliminer les vaisseaux sanguins en surface de son visage, responsables de la rougeur typique de la rosacée.
Innervation
Depuis 2016, la prise en charge de la rosacée s’est orientée vers les formes visibles de la maladie. « Auparavant, les traitements étaient organisés par stade : d’abord la couperose, ensuite les petits boutons, puis des changements dans le volume du nez », indique le Dr Barolet, précisant que chaque phénotype nécessite un traitement particulier.
Le Dr Barolet a récemment publié une étude dans la revue Skin Health and Disease, portant sur 152 patients présentant le phénotype affectant le nez. Cette étude montre que l’approche au laser est nettement plus efficace pour remodeler le nez et prévenir d’éventuels problèmes respiratoires que l’intervention chirurgicale.
À l’Université Laval, François Berthod, ingénieur biomédical, développe un modèle de peau en éprouvette pour tester de nouveaux traitements contre la rosacée, explorant la théorie de l’« innervation », qui postule que cette maladie pourrait être due à une réaction excessive des terminaisons nerveuses du visage. « Le principal symptôme de la rosacée est la vasodilatation des petits vaisseaux sanguins de la peau », explique-t-il.
Contrairement à d’autres parties du corps, le visage réagit au froid par une vasodilatation, facteur déclencheur de la rosacée, entraînant le rougissement de la peau, en particulier pour les personnes à la peau claire. Les autres zones du corps reçoivent moins de sang pour conserver la chaleur interne.
« Cette réaction vise à protéger le visage du froid, au vu de son importance pour la communication et les sens. La rosacée, selon cette théorie, représenterait un dysfonctionnement du système d’inflammation neurogène du visage », souligne M. Berthod.
Les facteurs de risque tels que l’exposition au soleil et la consommation d’alcool semblent corroborer l’hypothèse de l’innervation, la rosacée étant le résultat d’une réponse excessive des nerfs faciaux, selon l’ingénieur.
Les aliments épicés et la présence de demodex, une mite cutanée commune chez 30 % à 80 % des Américains, aggravent également la rosacée, possiblement en raison du stress qu’ils engendrent, selon le Dr Barolet. En revanche, le tabagisme ne serait pas considéré comme un facteur de risque.
Microbiote et génétique
Une avancée significative réside dans le rôle du microbiote cutané. « Il existe une théorie microbienne de la rosacée, car le demodex est plus présent sur la peau des personnes atteintes », affirme le Dr Barolet. Une mauvaise régulation de certaines bactéries cutanées pourrait aussi jouer un rôle. Certains cas de rosacée ont même été associés à des bactéries intestinales, incitant le Dr Barolet à envoyer régulièrement des patients effectuer des tests pour identifier ces bactéries.
En ce qui concerne l’avenir, la recherche génétique pourrait progresser rapidement dans la prochaine décennie et offrir de nouvelles pistes de traitement ciblées. « Cela pourrait être particulièrement bénéfique pour les cas graves ou résistants, mais il est essentiel de ne pas surmédicaliser une condition qui peut être gérée efficacement par des traitements symptomatiques pour la majorité des patients », avertit le Dr Barolet.
Contrairement au psoriasis et à la dermatite atopique, les études génétiques sur la rosacée restent « limitées et parfois contradictoires », souligne-t-il. Des médicaments « biologiques », plus onéreux, existent actuellement pour ces deux autres maladies sur la base de telles analyses.
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- 1,4 fois
- Risque d’avoir un diagnostic de rosacée chez les femmes occidentales, par rapport aux hommes
Source : British Journal of Dermatology -
- 0,3 %
- Proportion des Allemands âgés de 20 à 29 ans qui ont un diagnostic de rosacée. Cette proportion grimpe à 5,7 % chez les Allemands âgés de 60 à 70 ans.
Source : International Journal of Dermatology -
- 53 %
- Augmentation du risque de diagnostic de rosacée chez les femmes qui consomment plus d’un verre d’alcool par jour, par rapport aux abstinentes
Source : Journal of the American Academy of Dermat