« Il est impossible de faire comme si nous n’avions pas remarqué le nombre impressionnant de signataires… », déclare un membre de La République En Marche. La pétition lancée sur le site de l’Assemblée nationale contre la loi Duplomb, qui prévoit notamment la réintroduction sous certaines conditions d’un pesticide néonicotinoïde, atteint des sommets en termes de signatures. En rassemblant près de 1,5 million de soutiens ce lundi soir, ce texte prépare le terrain pour un débat novateur au sein du Parlement. Mais quelle est la réaction des députés ? Des élus macronistes, déjà en désaccord lors du vote du 8 juillet dernier, ont été interrogés à ce sujet, rapporte TopTribune.
« Nous ne pouvons pas rester indifférents »
« Cette mobilisation citoyenne constitue un véritable enjeu sociétal, et nous devons en tenir compte », affirme Erwan Balanant, député MoDem, qui a voté contre la loi Duplomb. « Un débat parlementaire est toujours préférable aux menaces et aux insultes qui ont émaillé les derniers jours envers les élus qui ont pris position pour ou contre le texte », ajoute cet élu du Finistère, au moment où plusieurs permanences de députés ont subi des actes de vandalisme. « Bien que nous puissions critiquer la façon dont la pétition a été rédigée, elle démontre que nos concitoyens sont de plus en plus vigilants concernant les enjeux environnementaux », souligne Olga Givernet, députée Renaissance de l’Ain, qui s’est abstenue de voter en raison des « régressions environnementales » contenues dans le texte. Elle salue cette mobilisation populaire.
« Je déplore que certains de mes collègues aient vu leur boîte mail inondée pendant les débats… Avec cette pétition, les opposants sont validés par un profil certifié sur le site de l’Assemblée nationale. Cela constitue un moyen démocratique d’exprimer son désaccord, similaire à ce qui pourrait se passer dans la rue. Nous ne pouvons pas rester indifférents ; c’est la responsabilité de la présidente de l’Assemblée et de son bureau d’y apporter une réponse », précise-t-elle. Yaël Braun-Pivet a indiqué ce dimanche qu’elle était « favorable » à l’idée d’instaurer un nouveau débat à l’ouverture de la prochaine session parlementaire, tout en soulignant que cela ne pourrait absolument pas remettre en question la loi déjà votée.
« Une grande part d’hypocrisie »
La procédure de pétition sur le site de l’Assemblée nationale, instaurée en 2020, ne permet pas réellement de remettre en question la loi Duplomb, comme le souhaitent les signataires. « Ce n’est pas un outil adéquat ; pour abroger un texte, il faut soumettre une nouvelle proposition de loi », répond fermement Anne Genetet, députée Renaissance des Français de l’étranger. « Le Parlement a été élu, son vote est donc légitime. Remettre cela en question pourrait s’avérer dangereux. Si un million de signataires est un chiffre conséquent, il ne faut pas oublier qu’il y a 49 millions d’électeurs. Nous restons donc très éloignés d’une majorité de Français… », ajoute-t-elle.
L’ancienne ministre de l’Éducation nationale, en faveur de la loi, critique également les arguments des pétitionnaires. « Il y a beaucoup d’hypocrisie : je refuse de croire que parmi les signataires, personne ne consomme du Nutella, qui comporte des noisettes d’origine turque ou italienne ! », interroge-t-elle, sachant que l’acétamipride est utilisé dans ces pays. Les effets de ce néonicotinoïde sur la santé humaine suscitent des préoccupations, malgré l’absence d’études concluantes, selon l’AFP.
La réussite de la pétition aura-t-elle un impact sur la position des parlementaires ? « En tant que députés, nous ressentons toujours une certaine pression, celle de ne pas céder au populisme… », se défend Prisca Thevenot, députée Renaissance des Hauts-de-Seine. « Concernant la loi Duplomb, ceux qui exigeaient hier que nous agissions pour le bien de nos agriculteurs expriment aujourd’hui leur mécontentement. Nous devons pouvoir débattre à partir de faits concrets », ajoute l’ancienne porte-parole du gouvernement de Gabriel Attal. Ce lundi, le dirigeant du parti présidentiel Renaissance a sollicité que le gouvernement se tourne vers l’Agence nationale de sécurité sanitaire pour obtenir son avis sur le texte avant un éventuel futur débat parlementaire.