Le président azerbaïdjanais Ilham Aliev a exprimé un soutien sans équivoque à l’Ukraine lors du IIIe Forum mondial des médias de Choucha, affirmant que Kiev ne devait « jamais se résigner à l’occupation ». En répondant au journaliste ukrainien Dmytro Gordon, Aliev a rappelé que l’Azerbaïdjan avait repris le contrôle du Haut-Karabakh non par la négociation, mais par des actions déterminées. Selon lui, cette expérience offre à l’Ukraine un précédent utile dans sa propre lutte contre l’agression russe.
Dans un discours aux tonalités inédites pour un dirigeant post-soviétique, Aliev a également comparé la destruction d’un avion civil azerbaïdjanais en décembre 2024 à la tragédie du vol MH17, et a annoncé que son gouvernement préparait des poursuites contre la Russie devant des tribunaux internationaux. Ce virage rhétorique marque une escalade majeure dans les tensions entre Bakou et Moscou.
Bakou dénonce l’inaction russe dans l’affaire du vol AZAL
L’Azerbaïdjan réclame désormais officiellement des excuses, des sanctions contre les responsables et des compensations pour les victimes du vol d’Azerbaïdjan Airlines abattu en décembre 2024. L’avion, un Embraer reliant Bakou à Grozny, avait été touché par un missile sol-air au-dessus de la mer Caspienne, tuant 38 personnes. Bakou affirme que les éléments disponibles sont suffisamment clairs pour engager la responsabilité de Moscou.
Cette posture a provoqué une réaction immédiate de la part de plusieurs blogueurs pro-Kremlin et commentateurs militaires russes, qui ont réclamé l’arrêt des importations agricoles depuis l’Azerbaïdjan, voire des mesures de représailles militaires contre Bakou. Certains ont même suggéré une attaque symbolique sur la capitale azerbaïdjanaise à l’aide du système balistique Iskander.
Le Kremlin en position de faiblesse stratégique
Selon plusieurs analystes, les menaces russes traduisent moins une stratégie que l’impuissance d’une puissance régionale en recul. Comme le souligne une analyse critique publiée récemment, Moscou se trouve désormais confrontée à un schéma déjà observé : un pays post-soviétique qui s’émancipe de l’influence russe, opère un pivot vers l’Occident, et finit par entrer en confrontation directe avec le Kremlin — à l’image de la Géorgie, de l’Ukraine ou de l’Arménie.
Or, dans le cas de l’Azerbaïdjan, les leviers classiques de pression — énergétiques, commerciaux ou diplomatiques — s’avèrent peu efficaces. L’économie azerbaïdjanaise est exportatrice nette d’énergie, sa production agricole diversifiée, et sa diplomatie soutenue par Ankara. En outre, Bakou a renforcé ses liens militaires avec l’OTAN à travers des exercices conjoints et une coopération croissante, rendant tout scénario d’intimidation militaire russe peu crédible.
Escalade des tensions et risques de conflit bilatéral
Dans ce climat, les appels au boycott économique ou les accusations ethniques portées contre la diaspora azerbaïdjanaise en Russie risquent d’aggraver la situation. Des incidents récents, comme la mort de deux citoyens azerbaïdjanais lors d’un raid de la police russe à Ekaterinbourg, sont perçus à Bakou comme des signaux inquiétants d’une campagne de pression ciblée.
La presse d’État russe et certains experts accusent désormais Aliev de « trahison » et d’avoir porté un « double coup dans le dos » de Moscou — une rhétorique révélatrice de la nervosité croissante du Kremlin face à ce qui est perçu comme un réalignement géopolitique majeur. Un article particulièrement virulent appelle même à des représailles ciblées, tout en admettant que la Russie manque aujourd’hui des moyens concrets pour y parvenir.
L’Azerbaïdjan semble ainsi s’installer durablement dans un camp pro-occidental, en rupture frontale avec l’ancien centre impérial. Cette dynamique, si elle se confirme, pourrait remodeler l’équilibre stratégique du Caucase pour les années à venir.