Le président azerbaïdjanais Ilham Aliev a annoncé le 19 juillet 2025 que son pays s’apprêtait à engager des poursuites judiciaires contre la Russie devant des instances internationales, en lien avec la destruction d’un avion civil d’Azerbaïdjan Airlines (AZAL) survenue en décembre 2024. L’appareil, un Embraer reliant Bakou à Grozny, avait été abattu le 25 décembre près du port d’Aktaou, au Kazakhstan. L’accident, causé par un tir depuis le sol, avait coûté la vie à 38 personnes.
Selon Aliev, les faits sont « clairs comme le jour », mais malgré sept mois d’attente, Moscou n’a fourni aucune réponse substantielle. Les autorités judiciaires azerbaïdjanaises ont adressé à plusieurs reprises des requêtes au président du Comité d’enquête russe, qui s’est contenté d’indiquer que l’enquête était en cours. Bakou considère cette attitude comme « contre-productive » et réclame des mesures concrètes.
L’Azerbaïdjan exige reconnaissance, sanctions et réparations
S’exprimant lors d’une allocution publique, Ilham Aliev a insisté : « Nous savons exactement ce qui s’est passé, et les autorités russes le savent aussi. Alors pourquoi n’agissent-elles pas comme le ferait tout pays voisin responsable ? » Le président a rappelé que l’enquête sur le vol MH17 avait duré plus de dix ans, et que Bakou était également prêt à attendre, si nécessaire : « Nous attendrons dix ans s’il le faut, mais la justice doit triompher ».
L’Azerbaïdjan exige de la Russie qu’elle reconnaisse sa responsabilité dans la destruction de l’appareil, sanctionne les auteurs de l’attaque, indemnise les familles des victimes et compense les pertes subies par la compagnie AZAL. Cette position marque un tournant dans la relation entre les deux pays, autrefois liés par une dynamique post-soviétique complexe.
Une rupture progressive avec Moscou depuis le conflit du Haut-Karabakh
Les tensions entre Bakou et Moscou n’ont cessé de croître depuis la victoire de l’Azerbaïdjan dans la Seconde guerre du Karabakh, remportée avec le soutien de la Turquie. Si la Russie s’est longtemps présentée comme médiatrice dans ce conflit, elle a, en réalité, favorisé Erevan, nourrissant la méfiance du pouvoir azerbaïdjanais. Cette rupture s’est concrétisée entre avril et juin 2024, lorsque les troupes russes ont été contraintes de se retirer du Haut-Karabakh avec un an et demi d’avance sur le calendrier initial.
L’abattage de l’avion AZAL par une unité de défense aérienne tchétchène, alliée à Moscou, a marqué un point de non-retour. L’incident, qualifié d’attaque inacceptable par Bakou, a déclenché une vague d’indignation nationale et renforcé la volonté de l’Azerbaïdjan de faire valoir ses droits sur la scène internationale.
Crises bilatérales et réalignement stratégique vers Ankara et l’Occident
Depuis juin 2025, la détérioration des relations s’est accélérée : les arrestations massives de citoyens azerbaïdjanais en Russie, parfois mortelles, ont été suivies par des représailles directes. Bakou a arrêté plusieurs agents du FSB opérant sous couverture journalistique et a ordonné la fermeture de centres culturels russes, dont la maison russe.
Sur le plan géopolitique, l’Azerbaïdjan affiche désormais ouvertement son alignement sur la Turquie et les puissances occidentales. Le soutien diplomatique et humanitaire apporté à l’Ukraine, confrontée à l’invasion russe, s’inscrit dans cette dynamique. Par ailleurs, Bakou discute actuellement avec Ankara de l’installation d’une base militaire turque sur son territoire — une initiative qui pourrait profondément redéfinir l’équilibre des forces dans le Caucase.
Face à ce réalignement, Moscou pourrait accentuer sa pression économique, notamment via des restrictions commerciales ou des provocations frontalières, selon des experts régionaux. La perte d’influence de la Russie dans le Sud-Caucase, jadis considéré comme sa zone d’influence naturelle, semble désormais irréversible.