« J’ai emporté des vêtements, mes papiers d’identité, des conserves et de l’eau », raconte Mina*, 39 ans. « Je me suis retournée, j’ai jeté un coup d’œil à mon salon et je me suis dit que c’était peut-être la dernière fois que je voyais mon appartement. », rapporte TopTribune.
« J’ai ressenti une pression intense jusqu’à la dernière minute avant de quitter », explique cette habitante de Téhéran, qui a pris la décision de fuir la capitale dans la nuit du 16 au 17 juin pour se rendre chez une cousine située à une centaine de kilomètres. Sa décision est survenue après avoir entendu Donald Trump appeler les ressortissants américains à évacuer Téhéran immédiatement.
Le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a menacé les habitants de Téhéran de « faire payer » le « prix » des attaques iraniennes contre des civils israéliens.
Après cinq jours de conflit, les échanges de frappes et de missiles ont causé la mort d’au moins 224 personnes en Iran et de 24 en Israël, selon les bilans fournis par les autorités concernées.
« Les bombardements au cours des deux derniers jours ont eu lieu durant la journée et ont été particulièrement intenses. » C’est ce qui a motivé Mina à partir. Son employeur a accordé quelques jours de congé à tous les salariés.
Embouteillages
Les 9 millions d’habitants de Téhéran sont habitués à des embouteillages interminables. Cependant, lundi soir, la situation était sans précédent, se souvient Mina avec un sentiment d’amertume. « La circulation était incroyablement dense », se remémore-t-elle. « Nous avons même vu des familles fuir à moto, transportant leurs affaires dans de simples sacs plastiques. »
D’autres Iraniens partagent également leurs expériences sur les réseaux sociaux, diffusant des images de Téhéranais traînant des valises lourdes dans le métro.
Neguine*, une autre Téhéranaise qui a quitté la ville mardi matin avec son fils de 13 ans, évoque « la fatigue, l’inquiétude et l’anxiété » qui l’accompagnent depuis cinq jours.
La journée de dimanche a été particulièrement éprouvante. Neguine a repris le travail malgré les frappes. « L’une d’elles est tombée à quelques rues de mon bureau, j’ai cru que notre immeuble avait été touché. Nous étions tous en panique. » Son trajet de retour a été chaotique. « J’ai dû faire des détours pour éviter les zones frappées, j’ai traversé une ville imprégnée de l’odeur de l’essence – plusieurs dépôts pétroliers ont été touchés durant la nuit de dimanche à lundi – et j’ai observé des colonnes de fumée émanant de plusieurs endroits. Je n’arrivais pas à joindre mon fils, que j’avais confié à sa grand-mère. » C’est à ce moment-là que l’idée de fuir a commencé à germer.
Pris en étau entre le pouvoir iranien et les bombes israéliennes
Dans plusieurs entrevues accordées à des médias internationaux, le Premier ministre israélien a appelé les Iraniens à se soulever contre la « tyrannie » et a affirmé que l’élimination du guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, mettrait « fin au conflit ».
Selon lui, les Iraniens perçoivent « que le régime est beaucoup plus faible » qu’ils ne l’avaient imaginé. « Ils comprennent cela et cela peut mener à des changements », a-t-il ajouté, suggérant qu’un renversement du pouvoir en Iran pourrait être envisageable.
« Pour l’instant », dit Neguine, interrogée alors qu’elle se dirige vers le sud du pays, « tout ce que je vois, c’est que nous sommes devenus des déplacés de guerre, victimes des conflits de deux factions assoiffées de pouvoir. » Comme elle, beaucoup de citoyens éprouvent un sentiment d’étau entre le régime iranien et les bombardements israéliens.
« Quarante-cinq ans que nous supportons cela ! », s’emporte Mina à propos des dirigeants iraniens. « Quarante-cinq ans qu’ils insultent le monde entier, qu’ils nous dépouillent, nous exploitent pour prétendument s’armer. Et en cinq jours, ils ont épuisé leurs réserves de missiles ? C’est à la fois risible et troublant. »
Il est difficile de cerner précisément l’état des forces armées iraniennes après plusieurs jours de conflit, ni d’évaluer le stock de missiles et de drones dont elles disposent encore. Toutefois, plusieurs experts affirment que la démonstration de force balistique iranienne est actuellement en deçà de ce qui avait été promis par les autorités.
« Il ne revient pas à Netanyahu de décider de notre avenir »
Ahmad*, pour sa part, s’interroge sur l’efficacité du système de défense antimissile iranien. « Hier, j’ai eu l’impression qu’il n’interceptait plus grand-chose », confie cet habitant de Téhéran. Lui aussi a réussi à quitter la capitale après avoir fait deux heures de queue pour faire le plein. « J’ai enfin pu me ravitailler en dehors de la ville », dit-il, soulagé, alors qu’il se prépare à parcourir plus de 800 kilomètres.
Mais pour certains, fuir est impossible. Le mari de Neguine, par exemple, a dû rester à Téhéran pour travailler et s’occuper de sa mère âgée.
« J’aimerais que ceux qui nous bombardent fassent la distinction entre le peuple et le gouvernement, qu’ils réalisent que cette guerre nuit aux vies des gens ordinaires », insiste Farideh*, qui vient d’arriver chez ses parents à la campagne, épuisée après une longue nuit de route. « Il ne revient pas à Netanyahu de décider de notre avenir. Nos choix sont dictés par nos réalités. C’est à nous de décider. »
* Les prénoms ont été modifiés pour la sécurité des personnes qui ont accepté de témoigner.